Changement Climatique et Esclavage Moderne

Vincent N'Cho Kouach | Deputy Governor of Abidjan

Changement Climatique et Esclavage Moderne

Introduction

Selon le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat : «Le changement climatique s’entend par toute évolution du climat dans le temps, qu’elle soit due à la variabilité naturelle ou aux activités humaines». Ce phénomène touche toutes les grandes villes, notamment Abidjan, engendrant des  conséquences profondes et alarmantes. La forme de notre exposé épousera les inflexions du sujet tel que formulé. Il s’articulera donc autour des deux grands thèmes soumis à notre analyse à savoir : le changement climatique et l’esclavage moderne.

D’abord s’agissant du changement climatique, nous allons vous indiquer d’une part, quelques éléments des mesures et pratiques mises en place à Abidjan pour lutter contre le phénomène et d’autre part, les défis à affronter liés au changement climatique.

Dans un second mouvement, nous allons également aborder l’esclavage moderne sous le double aspect des pratiques mises en place et des défis à affronter.

Pour terminer, nous examinerons les relations entre le changement climatique et l’esclavage moderne.

I – LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

Le changement climatique est un phénomène récent lié à 95% aux activités humaines. En effet, les productions industrielles (notamment) rejettent dans l’atmosphère des gaz dits à « effet de serre » (GES). L’effet de serre a pour propriété de détruire la couche d’ozone de l’atmosphère terrestre qui nous protège des excès nocifs des rayons solaires. Ce phénomène entraîne le réchauffement de la planète qui entraîne à son tour une modification du climat dans toutes les régions du monde. En fait de changement climatique, on devrait plutôt parler de réchauffement climatique.

I.1 – Mesures et meilleures pratiques mises en place à Abidjan pour lutter contre le changement climatique

I.1.1 - Mesures

La Côte d’Ivoire a ratifié la plupart des conventions internationales relatives à la gestion de l’environnement et au développement durable.

Au plan interne, des outils réglementaires et légaux tels que :

  • Le code de l’environnement;
  • Le code de l’eau
  • Le code minier
  • Le code forestier

ont été adoptés et sont appliqués.

Elle s’est récemment dotée d’une loi sur le développement durable et d’une loi sur l’organisation et l’administration du territoire.

Ces textes ont été suivis par des décrets d’application, notamment celui sur les Etudes d’Impact Environnemental et Social qui font obligation à toute entreprise de s’y soumettre avant le démarrage de toutes activités.

Il s’agit de :

  • le Décret d’application du principe pollueur payeur ;
  • le Décret portant audit et suivi des installations classées.

I.1.2 – Les pratiques mises en place à Abidjan pour lutter contre le changement climatique

Les pratiques sont celles qui sont en vigueur dans toutes les zones industrielles du pays et dans toutes les grandes villes du monde. Elles se résument en une série de mesures et de recommandations assorties souvent de sanctions :

  • Mise en place d’un système d’alerte précoce à partir des prévisions météorologiques ;
  • Mise en œuvre du projet « Eco-citoyen de demain » : organisation de campagnes de sensibilisation sur le changement climatique dans les lycées et collèges ;
  • Projet d’économie d’énergie par la reconversion des ampoules domestiques à haute consommation (100 watt) d’énergie par des ampoules à faible consommation (8 watt) ;
  • Réalisation d’un schéma Directeur d’Aménagement Urbain du Grand Abidjan avec pour objectif l’adoption du principe de ville compacte qui évite l’étalement urbain et la pression sur les ressources naturelles ;
  • Réalisation d’un Schéma Directeur du Transport Urbain du Grand Abidjan favorisant le transport de masse et les modes de transport propre ;
  • Projet de reconstitution du couvert végétal du District Autonome d’Abidjan (Plantation d’arbres d’alignement le long des artères de l’agglomération d’Abidjan, renforcement des plantations dans le jardin botanique, réhabilitation de la forêt du banco, reconstitution du Parc national d’Anguédédou, réalisation d’une ceinture verte autour de l’agglomération, création de coulées vertes dans l’agglomération le long des talwegs);
  • Libération des zones à risque des personnes qui les habitent;
  • Stabilisation des berges marines pour limiter l’érosion côtière.

II – Les défis à affronter liés au changement climatique

Les défis à affronter dans le domaine du changement climatique sont nombreux :

  • Elaboration et mise en œuvre d’un Plan climat-énergie du District Autonome d’Abidjan pour limiter les rejets des gaz à effet de serre et de mieux adapter le territoire du District contre les effets du changement climatique (érosion côtière, inondation, sécheresse, chaleur, etc.) ;
  • Contrôle de la qualité de l’air et mise en place de la police des rejets ;
  • Mise en place d’une politique de la ville durable ;
  • Amélioration de la gestion des déchets solides et liquides ;
  • Préservation de la biodiversité lagunaire et des mangroves.

II – L’ESCLAVAGE MODERNE

L’esclavage peut se définir comme la situation d’une personne dont le statut d’homme ou de femme passe nécessairement par la médiation d’un maitre dont celui-ci ou celle-ci dépend.

De nos jours, la pauvreté, l’ignorance et l’analphabétisme maintiennent un grand nombre d’individus en Afrique et en Asie dans des liens de dépendances avilissants et déshumanisants : C’est l’esclavage moderne.

II.1- Facettes de l’esclavage moderne en Côte d’Ivoire

  • Travail des enfants
  • Travail du personnel domestique
  • Travailleurs du sexe : prostitués et proxénètes
  • Salariés endettés
  • Mariages précoces et/ou forcés
  • Personnes en situation de précarité

II.2– Pratiques mises en place à Abidjan pour lutter contre l’esclavage moderne (suite)

  • Lutte constante des services du ministère du travail et des affaires sociales et des syndicats de travailleurs pour obtenir la revalorisation des salaires.
  • Amélioration des conditions de travail dans les entreprises, dans les usines, et plus généralement dans les milieux où sont implantées de grandes unités de production à forte densité de main-d’œuvre. 
  • En direction des femmes, un effort important est fait dans notre pays en général pour une discrimination positive en leur faveur (des lois ivoiriennes garantissent l’égalité des sexes).
  • En faveur des enfants, il existe en ce moment en Côte d’Ivoire, une véritable levée de bouclier contre le travail des enfants. Les filles utilisées comme servantes sont au centre des préoccupations des autorités ivoiriennes. De plus en plus de textes de lois sont votés pour régir l’emploi du personnel de maison.
  • Au niveau des adultes, des cours à leur intention sont organisés dans les communes pour tenter de faire reculer l’analphabétisme. En effet, l’homme qui a appris à connaître ses droits a plus de chance d’échapper à l’esclavage sous toutes ses forces que celui qui ne sait ni lire ni écrire. Tel est le rôle dédié au Centre Alpha de l’INPP ( Institut National du Perfectionnement Permanent).
  • L’école est rendue désormais obligatoire pour les enfants de 05 à 16 ans. Une mesure efficace contre l’illettrisme, facteur premier de la marginalisation et de la précarité.

II.3 – Les défis à affronter liés à l’esclavage moderne

Le premier défi à affronter est sans conteste la pauvreté.

En effet c’est la pauvreté qui crée et entretient la dépendance esclavagiste.

Lutter contre la pauvreté et mettre à la disposition des masses nécessiteuses des ressources suffisantes pour intégrer la société de consommation, réduirait notablement les obligations de dépendance envers des maîtres.

III – RELATION CHANGEMENT CLIMATIQUE / ESCLAVAGE MODERNE

En apparence, les deux phénomènes n’ont aucun rapport. Mais en approfondissant la question on s’aperçoit que le réchauffement climatique est la base de plusieurs phénomènes, qui favorisent l’esclavage moderne. 

Les conséquences du réchauffement de la planète entraînent :

  • La fonte des calottes glacières et la montée du niveau des mers. Ce phénomène entraîne forcément un déplacement de populations vers les zones habitables (non envahies) par l’eau.
  • La sécheresse, l’avancée du désert et du sahel puis la pauvreté dans ces zones.
  • Les populations chassées par la pauvreté  émigrent vers les grandes villes ; D’où la surpopulation dans ces villes et la présence d’une main d’œuvre bon marché constituée par des hommes et des femmes en quête de subsistance.

Ainsi, la concentration dans les espaces urbains réduits, entraine le surpeuplement, une forte densité et d’importantes activités ménagères et industrielles. Ce qui crée encore de la chaleur et augmente le phénomène du réchauffement. On peut donc dire sans risque de se tromper que le réchauffement climatique réduit les espaces habitables, en faisant déplacer les populations des zones rurales pauvres vers les zones urbaines riches et en constituant dans ces dernières zones une main d’œuvre abondante. Cette situation favorise nécessairement l’esclavage car les déplacés acceptent de faire  n’importe quel boulot à n’importe quel prix.

Le réchauffement climatique entraîne parfois des pluies diluviennes, dévastant tout (habitat, culture, récolte, animaux), tout ceci contraint les populations concernées à la pauvreté et à l’émigration vers des zones plus clémentes. La pauvreté, on l’a vu, conduit à l’exode rural et favorise la situation esclavagiste dans les villes et leurs périphéries. Il en va de même pour les intempéries et toutes les situations extrêmes auxquelles les populations rurales pauvres ne sont pas préparées.

Il faut dans tous les cas, face à l’avancée du désert et du sahel, créer les conditions de la sédentarisation des populations. Cela passe par la création de richesses (implantation d’usines à forte densité de main d’œuvre, distribution de revenus conséquents), reboisement là où il y a avancée du désert pour créer la végétation, freiner l’exode rural et la pauvreté subséquente.

Conclusion

Comme on le voit, il y a bien corrélation entre le changement climatique et l’esclavage moderne. Il faut donc en prendre conscience pour ne pas aborder les deux phénomènes isolément mais les prendre dans une stratégie de lutte prenant simultanément en compte les deux fléaux.